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Dans le film d’anticipation « Soylent Green » de Richard Fleischer datant de 1973, Sol Roth (Edward G. Robinson), un vieillard qui a connu la vie d’avant la disparition de la faune et de la flore, se rend au Foyer, pour se faire euthanasier. Pendant les derniers instants de son existence, des images de nature à jamais disparues sont projetées sur un grand écran. Son ami le détective Robert Thorn (Charlton Heston) voit tout cela pour la première fois de sa vie.Sol Roth: est-ce que tu vois ça ?Détective Robert Thorn: ouiSol Roth: c’est beau n’est-ce pas ?Détective Robert Thorn: oh ouiSol Roth: je te l’avais ditDétective Robert Thorn: je n’en avais aucune idée, aucune idée, comment aurais-je pu imaginer ça ? |
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Parmi les images projetées, aurait pu se trouver celle des rassemblements de Monarques dans les forêts de sapins sacrés du Michoacan au Mexique. Peut-être que d’ici quelques décennies des hommes regarderont, incrédules, les images de ces nuages de papillons en se demandant si tout cela a bien existé.Il est peut-être déjà trop tard pour sauver l’un des phénomènes les plus étonnants de la planète, qui risque de disparaître d’ici quelques années : la migration du papillon Monarque vers le Mexique.Il existe deux voies de migration pour le Monarque :- celle qui concerne la population vivant à l’est des montagnes Rocheuses, dont les aires d’hivernages se situent en Californie.- et celle de la population vivant à l’ouest des montagnes Rocheuses, vers quelques points précis au Mexique. Cette migration est beaucoup plus importante et spectaculaire en raison de la densité de la population de papillons sur des surfaces réduites.Il y a également une partie des papillons qui ne migre pas, notamment en Floride. |
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Chaque année au mois de décembre, un groupe de scientifiques se rend au Mexique pour effectuer un comptage des populations hivernantes du papillon Monarque. En décembre 2013, le résultat est tout simplement alarmant avec seulement 33 millions de Monarques dénombrés. Ce nombre peut sembler impressionnant, mais il est dérisoire si on le compare aunombre de Monarques comptabilisés en 1996 sur les mêmes sites : 1 milliard ! |
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La population hivernante de Monarques peut être soumise à d’énormes variations d’une année sur l’autre (voir graphique) en fonction de toute une série de facteurs, mais là il s’agit du nombre le plus bas enregistré depuis 1994 (début du décompte des Monarques), ce qui fait craindre non pas la disparition de ce papillon, mais celle de ce phénomène grandiose d’amas de Danaus plexippus (nom latin du Monarque) sur les arbres de cette région minuscule du Mexique. |
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Notre époque n’est pas clémente pour la sophistication en matière d’adaptation et dans ce domaine le Danaus plexippus est roi, pour ne pas dire monarque…. La plupart des papillons ont un cycle de vie immuable qui est le même de génération en génération. Le Monarque se distingue par le fait que l’ensemble du cycle se déroule sur 5 générations qui auront des besoins et des durées de vie différentes.Pour préserver la migration des Monarques, ce n’est pas simplement quelques biotopes qu’il faut protéger, mais toute un ensemble d’espaces soumis à des contraintes différentes sur plusieurs millions d’hectares.Au printemps, au sortir de leur hivernage sur les sapins (Abies religlosa) du Michoacan, les Monarques prennent la direction du nord. À la fin du mois d’avril après un voyage de plusieurs centaines de kilomètres, la plupart ont atteint le sud des États-Unis où il vont pouvoir s’établir et pondre sur les pieds d’asclépiades qui sont leur plante-hôte.La plante-hôte d’un papillon est la plante sur laquelle il va pondre, et qui va servir de nourriture aux chenilles. Certaines espèces de chenilles peuvent se nourrir d’une grande variété de plante, dans ce cas on dit qu’elles sont polyphages, d’autres chenilles se nourriront que d’une seule espèce de plante dans ce cas elles sont monophages. La chenille du Monarque ne mange que de l’asclépiade pour son plus grand malheur. |
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Cette plante sera victime des herbicides « Roundup Ready » de la société Monsanto qui permettent de cultiver avec une grande efficacité du maïs et du soja transgéniques. L’avantage du « Roundup Ready » est de pouvoir éviter la repousse éventuelle de plantes adventices dont fait partie l’asclépiade, ce qui n’était pas le cas des herbicides traditionnels. C’est le petit “plus” des cultures OGM et certainement le gros “moins” pour la sauvegarde des Monarques.Si par chance le Monarque trouve de quoi se nourrir et pondre de mai à septembre, il étendra son aire de reproduction jusqu’au sud du Canada, en quatre générations, chacune d’une durée de vie d’un mois environ.Puis, fin septembre, la cinquième génération entamera le voyage retour, d’environ 4000kms pour les individus les plus éloignés du point d’arrivée.Les Monarques, qui étaient répartis sur une surface de plus de 100 millions d’hectares pendant la période estivale vont se concentrer sur moins d’une dizaine en hiver. |
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Les individus ayant réussi à survivre aux différents phytocides, à la disparition de l’asclépiade, au parasitisme, à l’urbanisation, aux conséquences du réchauffement climatique etc., auront peut-être la surprise à leur arrivée au Mexique de ne pas retrouver l’arbre sur lequel leurs aïeux ont passé l’hiver l’année précédente. Quelques bucherons malveillants seront passés par là.On peut raisonnablement être pessimiste quant à l’avenir des regroupements de Danaus plexippus en sachant que la préservation de la migration du Monarque avait pourtant fait l’objet d’un accord entre les trois pays concernés (le Mexique, les États-Unis et le Canada) il y a maintenant 20 ans.Tout un ensemble de mesures a été pris dans ces trois pays pour éviter le déclin de ce phénomène. Au Mexique pour réduire et éliminer la déforestation dans les zones d’hivernage, aux États-unis et au Canada pour limiter les répercussions des pratiques de gestion de l’habitat sur les Monarques, les plantes à fleurs et les asclépiades.Des milliers de bénévoles dans des associations, des ONG, ou à titre personnel, essayent de sauver ce qui peut l’être. Mais malgré ces efforts, c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer tant la pression économique est grande sur les terres de reproduction du Monarque.Si par bonheur le déclin était stoppé, cela redonnerait un peu d’espoir pour tous les défis que l’humanité doit relever.Dernières nouvelles mars 2015:
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